Zivapa rassembla les enfants auprès du grand feu. Ils le savaient qu’elle allait conter, la belle Bohémienne…
« Ome phral, Zivapa… »
« Oui, Je te raconte, fillette… je vais vous conter la légende de l’un de nos clans : les gitans…
Dans les terres très lointaines là-bas vers l’est, dans la direction où le soleil se lève le matin, dans ces terres si lointaines, un jour, des voyageurs trouvèrent un bébé tout auprès d’une jument. La jument venait de mettre bas et que trouvèrent-ils tout à côté ? Un enfant !!! Ce ne pouvait être que l’enfant de la jument…
En grandissant, la peau de l’enfant devint tannée et cuivrée, ses cheveux, noirs avec des reflets bleus, faisaient penser à la crinière d’un cheval. En grandissant, devenu jeune homme, il s’occupait des chevaux. Il les emmenait aux pâtures. Il devint un excellent cavalier et à vivre avec eux, il sut les dresser plus vite et mieux que nul autre.
Le « fils de jument » était assoiffé d’aventures, il était intrépide, il n’avait peur de rien… Plus il devenait beau, plus il devenait fort, plus il devenait doué avec les chevaux, plus tous les autres hommes le jalousaient et l’enviaient. Au final, cette jalousie se tranforma en moqueries, en méchancetés… Ils se mirent tous à l’appeler « Gitan ».
Alors il partit seul dans la montagne pour réfléchir. Il passa par bien des humeurs allant de la tristesse à la colère. Un jour, debout sur un rocher, bras étendus de chaque côté de son corps, il hurla ce nouveau nom qu’il ferait sien : « Gitan, Gitan, Gitan… » Le long des jours et des mois, il accepta son nom et en fit sa fierté.
Il rentra au village où tout le monde le croyait mort depuis longtemps. Ils crurent que c’était un fantôme… qui allait se venger. Non point. Très gentiment il s’approchait en disant son nom : « Gitan » et cela rassura les villageois : non seulement, il était vivant mais il ne désirait pas se venger.
Gitan devint le meilleur cavalier et le meilleur dresseur de chevaux de toutes les prairies. Un homme, un homme très puissant, au loin, un homme nommé Pharaon, un kralis, les enfants, eut vent de sa puissance.
Alors il organisa une grande course avec ses meilleurs cavaliers à laquelle il convia Gitan. Gitan triompha de tous. Il gagna l’amitié et le respect de Pharon qui fit de Gitan l’un de ses chefs de guerre.
Tout réussissait à Gitan : ils fut le vainqueur des ennemis de Pharaon, ses hommes le respectaient. Lors d’une guerre, d’une nouvelle victoire pour Gitan, le roi qui avait perdu invita le chef guerrier chez lui afin de négocier. Quand Gitan entra dans la tente, c’est à peine s’il remarqua le Roi… Il ne vit que la jeune femme brune, fille du roi, d’une beauté époustouflante et Gitan tomba amoureux …. !!!
A l’époque, les enfants, celui qui gagnait la guerre détruisait tout. Hommes, femmes et enfants partaient en esclavage pour peu qu’ils n’étaient pas tués. Tout était pillé. Alors le Roi, malin, proposa à Gitan sa propre fille en mariage si son royaume était épargné…
Gitan n’avait pas le droit de gracier le Royaume conquis, c’était là la décision de Pharon. Mais Gitan était amoureux, si amoureux, les enfants… Il décida de ne plus revenir chez Pharaon, d’épouser la princesse et de rester avec ses troupes dans ce nouveau royaume.
Gitan a choisi le chemin du cœur et de la liberté.
Cela mit Pharaon dans une colère terrible : il envoya l’intégralité de ses troupes à l’assaut du royaume. Gitan proposa à ses hommes de renoncer, mais tous restèrent, unis à leur chef. Gitan pensait qu’ils n’avaient aucune chance : les armées de Pharaon étaient si nombreuses…
Gitan partit à la bataille, suivi de ses hommes. Il recommanda à son épouse, la princesse de se mettre à l’abri. La belle avait du caractère, elle n’en fit rien. Elle mit un déguisement et suivit l’homme qu’elle aimait. Voyant une flèche arriver droit sur lui, elle lança son cheval au galop et passa devant Gitan, recevant en plein cœur la flèche qui lui était destinée.
Elle aussi avait choisi la voie du cœur et de sa liberté…
Gitan réussit à ramasser le corps de son aimée sans se faire tuer et il s’enfuit, la princesse morte sur son cœur. De ses vêtements, il lui fit un linceul et l’enterra.
Il retourna à la bataille qui tournait en faveur de Pharaon, s’entoura de ses meilleurs hommes et partit au galop vers le Nord. Cette vie n’était plus la sienne puisque son aimée n’était plus. Ils se cachèrent dans la forêt, car ils avaient été proclamés traîtres et coupables dans le monde entier.
La troupe vécut chichement, se nourrissant de racines… Un jour, ils découvrirent une grotte et s’y installèrent. Un matin, une jeune femme entra dans la grotte, venant dont ne sait où. Elle dit à Gitan, époustouflé, qu’elle était son aimée. C’était impossible !!!
Alors Gitan retourna à la tombe et n’y trouva que les restes de ses propres vêtements en lambeaux. Rentré à la caverne, il emmena la jeune femme dans la nature et leurs corps ne fut qu’un et ils ne furent qu’un avec la nature. L’âme de sa bien-aimée lui avait était rendue en la personne de cette jeune femme.
Il l’épousa et ils eurent beaucoup d’enfants comme vous, tous beaux, des garçons et des filles. Tout le clan l’admirait, tous étaient émerveillés du miracle. Il devint « Phuro », l’honorable chef de clan. Il baptisa tout le monde, enfants, adultes et à tous il donna ce nom qu’on lui avait donné par moquerie : « Gitan ».
Et c’est ainsi que naquit le clan des Gitans, les enfants…
Sa réputation grandit et le Roi des terres où il vivait proposa à Phuro de venir à ses côtés, du côté du pouvoir. Mais Phuro refusa. Il ne voulait pas troquer sa liberté contre des richesses. Ici, dans la forêt, ils n’avaient besoin de rien et nul ne les jugeait.
Alors le Roi, encoléré, envoya toutes ses troupes aux trousses du clan Gitan. Le clan s’enfuit, galopant toujours plus loin par les forêts et les plaines, le plus loin possible. Le jour, ils voyageaient, la nuit ils se reposaient… Ils parcoururent tant de pays, les enfants… Et quel que soit le pays qu’ils traversaient, ils étaient considérés comme des étrangers. Tout le monde les craignaient et racontaient n’importe quoi à leur sujet. Alors ils repartaient dans les forêts, dans les plaines inhabitées…
Les Gitans n’oublièrent jamais leur histoire, jamais…
Les Gitans choisissent toujours le chemin de la liberté et du cœur…
Zivapa avait fini l’histoire. Les enfants souriaient, blottis les uns contre les autres, certains dans les bras ou sur les genoux de leur père ou de leur mère… Les adultes aussi souriaient… L’un prit un instrument de musique, une autre un tambourin et un troisième une sorte de flûte.
La musique emplit le camp et les femmes commencèrent à marquer le rythme de leurs pieds.
Quelques petites filles commencèrent à danser suivies des jeunes filles à marier, la chevelure en liberté volant autour d’elles quand elles tourbillonnaient. Certaines femmes souriaient à leur homme et ensemble ils se levaient pour commencer la danse…
Deux, trois enfants contre elle, la chaleur du feu rassurante, Zivapa accepta une chope de cette boisson un peu forte que boivent les Voyageurs et profita, détendue et heureuse, du spectacle des danseurs…
(inspiré par "Phuro" d’après Veijo Baltzar)