Bourgogne, Sémur, consultation de Snell

Le soir tombé, Zivapa s’en alla en taverne vadrouiller. Elle y fit la connaissance de deux jeunes filles fort charmantes. Puis, se retrouvant seulette, elle se rendit à « La Sémuroise » où plusieurs convives étaient attablés.
La conversation s’engagea.
Dame Zaïna, boulangère de son état et légitimement fière de l’être, était là avec son époux Messire Snell.
A la grande surprise de Dame Zaïna, Messire Snell demanda consultation à Zivapa.
Une fois payé son écot, la Bohémienne sortit son jeu de tarot, composé de 22 lames ou arcanes et les disposa en arc de cercle sur la table.

“posez-moi votre question, Messire. »

Messire Snell réfléchit posément et demanda :

“J’aimerais savoir ce que me réserve mon voyage en Franche-Comté. »

En d’autres circonstances, si elle avait été dans sa roulotte, Zivapa aurait demandé à Messire Snell plus de précisions. En effet, plus la question est précise, plus l’interprétation des cartes l’est également. Néanmoins, elle n’en fit rien. Le climat dans la taverne était plus proche du doute, de la méfiance, de l’indifférence que de la confiance. Zivapa y était accoutumée et c’était comme un défi pour elle : montrer qu’elle n’était pas une sorcière, pas une mauvaise, pas une diseuse de bonne aventure. Zivapa interprétait juste ce que les personnes transmettaient en se concentrant et en choisissant les cartes. Ce sont eux qui font tout le travail, Zivapa se contente de lire les cartes qui indiquent le chemin.
Ne connaissant ni la région, ni le village, ni les personnes qui l’entouraient, elle faisait cette lecture ce soir en totale innocence.

“Concentrez-vous sur votre voyage, Messire, très fort et choisissez une carte. Puis pensez très fort aux obstacles que vous pourriez rencontrer et prenez-en une autre. Maintenant pensez à ce qui peut vous aider dans votre périple et montrez-moi une carte. Et pour finir, ne réfléchissez plus, désignez-en une au hasard. »

L’homme obtempéra. Il montrait de la concentration. Zivapa n’avait aucune idée de son opinion quant à sa discipline. Certains se moquaient et se gaussaient parfois en entendant parler des Tarots, d’autres en avaient peur et beaucoup n’avaient pas d’opinion. Elle décida de faire confiance à Messire Snell et se mit sérieusement à la lecture des arcanes. Elle retourna la première lame et la plaça en face d’elle sur la table, décalée sur la gauche.

« La 1ère lame est le 15e arcane : le Diable. Non ! N’ayez pas peur ! elle ne signifie pas obligatoirement le malheur…



Cette première lame parle de vous, Messire Snell vous semblez être un homme bouillonnant d’énergie et de force, mais pas seulement physique, également de force de persuasion. Vous êtes impressionnant et un réel réservoir d’énergie. Votre voyage sera à votre image. Vous êtes ambitieux et vous n’hésiterez pas à mettre toute votre puissance au service de votre objectif, c’est-à-dire le but de votre voyage en Franche-Comté. Votre énergie est inépuisable… Mais attention à n’en pas devenir esclave. Peut-être ce voyage prend-il beaucoup de place au détriment d’autres… obligations ? »
Zivapa retourne la deuxième lame et la pose à la droite de la première. C’est le 7e arcane : le Chariot.


« Cette lame concerne les points négatifs de ce voyage. Le Chariot symbolise les erreurs, l’égoïsme, une influence néfaste, la solitude, le prisonnier. Néanmoins vous êtes un homme de ressource : vous saurez prendre des initiatives, vous ne fléchirez pas devant l’effort et les difficultés. Pour lutter contre ces points négatifs, le Chariot vous dit de rester efficace, de tout vérifier. Vous devez tout mettre en œuvre quitte à ce que ce soit une lutte acharnée, pour vaincre ces obstacles. Comme votre première lame est le symbole de la puissance, je ne doute point que vous y parviendrez. Mais attention, le risque quand on est un peu trop sûr de soi, c’est d’agir en dépit du bon sens. »

Zivapa retourne la troisième lame et apercevant son image, prie Dame Zaïna de ne pas crier. Malheureusement, la Dame s’en va, semblant très agacée par la lecture des cartes. Cela peine Zivapa car elle apprécie fort la Dame boulangère. La 3e lame est le 12e arcane : le Pendu. Zivapa la place au-dessus des deux autres.



“Pour cet arcane qui vous parle du chemin qui s’ouvre devant vous, le Pendu a pour symbole l’abnégation et le désintéressement. Il semblerait que vous ne partiez pas en Franche-Comté pour votre profit mais pour vous mettre au service d’autrui. Mais le Pendu, placé en haut de la croix symbolisée par les 4 cartes que vous avez choisies, le Pendu vous appelle à l’attente, dans le sens où vous ne devez accomplir votre tâche qu’en totale confiance. Vous devez être en accord avec les objectifs généraux de ce voyage pour partir. Vérifiez bien chaque détail, chaque motivation. Vérifiez aussi bien les vivres, les laisser-passer que les raisons pour lesquelles vous partez. »

Ziva retourne la dernière lame et la place en dessous des autres, de façon à dessiner une croix. La 4e lame est le 5e arcane : le Pape.



C’est bon, ça ?

“Oui, Messire Snell. C’est le symbole de l’aventure et de l’expérience ! Cette carte conforte les autres. Placé en 4e lame, cet arcane dit que votre avenir se présente sous de bons auspices. Il est protégé par des personnes bienveillantes.

Donc résumons :
Vous débordez d’une énergie puissante et se voyage, son objet vous galvanise. Si vous savez être prudent, si vous ne sous-estimez pas vos adversaires, si vous prenez toutes les précautions sans foncer tête baissée, vous avez des chances de réussir. Quand on se met au service d’autrui, Messire, il faut le faire en toute confiance.

Voilà, j’espère que cela vous satisfait ?
Zivapa souriait à Messire Snell mais celui-ci n’eût même pas le temps de répondre car il réalisa soudain que sa douce épousée avait disparu. Il partit à toute allure la chercher alentour. Zivapa sourit à nouveau. Cela l’amusait beaucoup.