C’est l’histoire de Saïmir, Comte de la Petite Egypte… Il adorait chevaucher dans la forêt. Un jour, il attacha son cheval à un arbre, à l’orée d’une clairière, une peu comme celle-ci, vois-tu… aux abords de la clairière, coulait une rivière. Le spectacle de la nature réjouissait son cœur. Il flâna… flâna… allant de-ci, de-là, sans même faire attention. Si bien qu’à la fin…
Il se perdit !!! Réalisant qu’il ne savait plus trop où était la rivière, ni la clairière, ni même son cheval, marchant au hasard et ayant l’impression de souvent revenir sur ses pas, il finit par admettre qu’il était perdu. Au début, il fut courageux, comme tout rom qui se respecte. Mais le temps passe, les heures sombres arrivent, la lune se lèvera bientôt… Saïmir enrage, puis commence à désespérer : sans couverture, sans nourriture… le voilà se croyant déjà mort. Chaque bruit de la forêt lui paraît être l’annonce d’une bête sauvage qui de ses griffes va l’éventrer.
Il s’assoit, pose sa tête au creux de ses mains, triste et vaincu…
C’est alors que Saïmir, notre comte, entend une voix douce et aigrelette qui lui dit :
« Oh, Saïmir, Comte de Petite Egypte, écoute-moi. »
Saïmir cherche de tous côtés. Comment ? On le connaît ? On lui parle ? Pourvu que ce ne soit point là l’âme errante d’un homme mort… Non… Saïmir réalise que c’est un niglo qui lui parle, un niglo… !!! Un hérisson lui parle.
« Comte Saïmir, je veux bien te ramener à ton cheval mais en échange, tu devras me donner quelque chose.
- Quoi donc ? Si tu m’aides, je te donnerai autant de nourriture que tu voudras et des écus en pagaille… Aide-moi…
- De la nourriture ? Des écus ? Nenni, mon comte, nenni. Je n’en veux point. Je ne veux qu’une chose : épouser ta fille. »
Saïmir n’en revient pas. Epouser sa fille ? Sa princesse, cette petite, si belle ? Bon… D’un autre côté, a-t-il vraiment le choix ? S’il veut retrouver son cheval, nul être ne se promène céans qui puisse l’aider.
Après s’être fort emporté pour la forme, essayé de jouter avec le niglo, le Comte finit par accepter le marché.
« Soit, Niglo ! Je te donne ma parole de Rom : si tu me ramènes à mon cheval et me sauve, je promets de te donner la main de ma fille. »
Le hérisson et le comte partirent dans la forêt, le niglo devant. A la grande surprise de Saïmir et à son grand soulagement d’être sauvé, il reconnut la clairière et retrouva son cheval. Il ramena le niglo au château et s’apprêta à affronter sa fille. Sa princesse, une vraie romni, avait elle aussi bien du caractère !
Elle crie, elle tempête, elle vocifère : jamais !!! Jamais je n’épouserai un niglo !!! Enfin, ma princesse, un niglo qui a sauvé ton père…
Saïmir a promis. La princesse a beau crier : rien n’y fait.
Le mariage est décidé : parole de Rom. Et la fille obéit à son père. Aussitôt dit, aussitôt fait : Saïmir marie sa fille au niglo et n’omet pas de lui offrir les cadeaux rituels : le pain et le sel.
Saïmir avait invité toutes les familia des contrées environnantes. Tous vinrent et tous furent surpris au premier abord : donner sa fille en mariage à un hérisson ! Voilà qui n’était pas banal… Mais le goût de la fête l’emporta sur la surprise. Tout le monde but, mangea, ripailla, chanta, dansa…
Tous sauf une : la fille de Saïmir, elle, pleurait… Pour elle, les heures passaient dans les larmes. Et ces larmes coulaient bien fort à voir que personne ne songeait à son malheur.
A l’église du château, les douze coups du milieu de la nuit sonnèrent…
A ce moment, la jeune fille jetait un regard désespéré au hérisson quand celui-ci disparut … et… à sa place… Mais… à sa place apparut un jeune homme d’une beauté extraordinaire… au moins un prince, sans doute.
Oui… Celui d’un pays voisin que tous reconnurent, la jeune fille la première. Il avait disparu et tout le monde le cherchait. Une sorcière lui avait jeté un mauvais sort pour se venger de son père et l’avait transformé en hérisson tout en lui disant, accompagné d’un grand rire sardonique : « Tu ne retrouveras ton corps d’homme que le jour où une jeune fille noble acceptera de t’épouser, ce qui n’est pas prêt d’arriver… Niglo ! Ha ! Ha ! Ha ! »
Alors bien sûr, la fille de Saïmir sécha vite ses larmes et fit connaissance dans la gaieté et la joie avec son mari. La fête reprit de plus belle et tout le monde dansa.
Et c’est pour ça que certaines d’entres nous refusent de manger des hérissons, petite… Elles croient qu’il va se transformer en prince charmant…