3e jour de mai : Autun

Cahin-caha, la roulotte aux couleurs vives de la Bohémienne arrive aux alentours d’Autun.



La jeune femme est assise sur le siège de conduite, ococoulée dans une grande couverture chatoyante. Elle a quitté Chalon la veille au soir et la voilà portée par les vents, proche d’entrer à Autun.

Elle regarde le village où trône une belle cathédrale.



Ses cheveux d’ébène, pourtant retenus par un foulard bleu, volètent doucement dans le vent. Sa peau est hâlée par la vie au grand air, par les caresses du soleil. Ses yeux plus noirs que la suie brillent doucement… Les pommettes sont hautes, les sourcils fins et le front large, barré de deux traits verticaux. Sa bouche aux lèvres carminées ne sourit point. Nul ne saurait dire ce qu’elle a en tête.

Ores Zivapa espère, comme à chacune de ses arrivées dans un nouveau village : elle espère de chaleureuses rencontres, elle espère apporter un peu d’aide en exerçant son don de Drabarni, en lisant les Tarots…

Elle se présente à l’octroi et obtient l’entrant sous un regard hésitant et un brin gêné comme l’étrangère en reçoit souvent.

En suivant les ruelles où passe sa roulotte, elle longe la cathédrale et son regard est attiré par une drôle de sculpture… Un âne…



Elle lui sourit en passant, espérant à connaître son histoire à l’occasion d’une rencontre en taverne.

Arrivée à la grand place, elle installe sa roulotte près d’un grand tilleul et non loin de la fontaine. Elle s’occupe de son cheval Finot qui a bien mérité de savourer un bon picotin. Le chat Nimbus fait son apparition en haut des trois marches qui mènent à la roulotte. Il lèche sa belle fourrure noire et soudain, sa tête se redresse, son regard vert se plante dans celui de sa maîtresse… Il hume les vents et majestueux, s’en va faire un tour alentour, ignorant les regards des passants curieux…

Zivapa s’affaire, installe son petit campement et espère que parmi eux certains lui enverront missive pour avoir recours à ses services.

Elle prend la vaisselle qu’elle n’a point eu le temps de laver à Chalon avant de s’en aller… quelques bols… quelques brins de simples au fond… les images surgissent.

Le vent se lève. Elle envoie les souvenirs au vent. Point d’attaches pour la Bohémienne. Le voyage est sa vie, la solitude son fardeau, les lectures son Destin.

Elle sourit à la vie et s’apprête à vivre de bonne humeur cette nouvelle journée.

Tout d’abord, il lui faut demander l’autorisation de vendre son pain à 12.95 écus au bourgmestre et au shanglo qui contrôle le marché.

Citation :

»Sieur bourgmestre,

Je vous souhaite le bonjour. Je suis Zivapa la Bohémienne. Je vais de village en village dans ma roulotte aux couleurs vives. Je suis une Drabarni : une liseuse de Tarots et je loue ce service contre espèces sonnantes et trébuchantes (la vente d'un pain à 12.95 écus). Bien sûr, chaque jour je travaille à la mine pour ne point voler l'ouvrage des villageois.
J'espère que vous me donnerez blanc seing pour exercer ma pratique, c'est-à-dire vendre ce pain à 12.95 écus pour paiement de mon travail, la lecture des Tarots.

Au plaisir de vous encontrer en taverne, Messire.

Zivapa.

Le sentiment d’avoir bien travaillé l’envahit. Elle décide d’aller battre un peu la campagne en attendant de pouvoir aller en taverne…

La Bohémienne est ravie de cet accueil chaleureux qui lui va droit au coeur. D'un geste elle invite le bourgmestre à entrer et celui-ci ne se fait point prier.

L'intérieur de la roulotte est douillet, petit mais... douillet. Des tentures rouge sombre tapissent les murs de bois et cache l'alcôve de Zivapa.

Des petites étagères où trônent colifichets et souvenirs. Le tambourin à grelots que Romiko, son grand-père, lui a offert pour danser... Un violon... des foulards un peu partout... des animaux scultés dans le buis... et des pots... des pots emplis d'herbes, de simples pour soigner et parfois guérir. Un petit brasero d'intérieur garde au chaud tout le jour l'eau qui sert à Zivapa pour préparer la tisane.

Devant l'alcôve, moult coussins à même le sol invitent au repos, entourant une table basse de bois clair.

C'est là que de la main Zivapa invite le bourgmestre à s'installer. Elle s'assoit grâcieusement et avec aisance sur les coussins.

Elle écoute ses dires avec attention.

"Latcho dives, gadjo... Le bon jour à vous, bourgmestre. Votre accueil me fait chaud au coeur. Et votre requête itou. Si fait."

Elle le regarde déposer pécunes sur la table, penche la tête sur le côté et le regarde également, sondant ses yeux... puis elle repousse les écus de sa main aux doigts fins.

"Il nous faut d'abord avec commune convenance trouver heure dite pour la consultation des Tarots. Quand nous serons sûrs de pouvoir trouver rendez-vous, alors je mettrai mon pain en vente, Bourgmestre... Puis nous lirons les Tarots auquels vous poserez une question et une seule... Sur votre chemin de vie, sur votre chemin de coeur, sur votre chemin d'ambitions... que sais-je ? C'est vous qui déciderez, gadjo.
Je suis libre à partir de la 9e heure à la nuitée. Cela vous siérait-il ?"

La Bohémienne lui sourit.

Le temps a passé...

Le village vit si paisiblement... Il ne s'y passe rien...

Ah si.. on souhaite son départ et seules deux personnes ont souhaité une lecture.

Pour la première fois, Zivapa rencontre un réel rejet.

Les réflexions fusent, les silences se font.

Zivapa tente de conserver son calme mais son tempérament entier lui rend la tâche difficile.

Puis un soir, ce soir, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Cette fois-ci, s’en est trop !

Les yeux de Zivapa sont plus noirs encore qu’à l’accoutumée et lancent des éclairs… sur la misérable missive qu’elle est en train de lire, petit ramassis de vomissures infâmes d’un esprit malsain…

Par Dev, faut-il avoir le cœur noirci par le chagrin et la peine pour inonder telle haine…

Ce village ne veut pas d’elle ? A la parfin, point de soucis. La Bohémienne n’en a cure. Le Monde lui appartient, le vaste monde, bien plus vaste que leurs petites vies bien proprettes…

La colère la submerge et elle s’y noie. Ses lèvres affinées par le refus d’hurler imprécations et de tous les vouer aux gémonies, le visage fermé, les traits de fins devenus acérés, la Bohémienne, à gestes saccadés, range ses affaires.

Ça vole, ça tombe, elle tourne, elle rage, elle enrage… Et puis elle croise son propre reflet dans l’eau du pot sur la table.
Khoro pe skamind. Yov vdikya kokorepes ade pani.
Son propre reflet dans l’eau... Elle y vit une Romi de feu et de colère…

Ses sens de suite s’apaisèrent et elle rit, elle rit d’avoir céder à l’atmosphère ambiante.

Elle n’arrêta pas pour autant son labeur et bien vite tout fut près.

Elle remplirait son engagement dans la forêt, au cœur de la nature, au calme, sans ces courants de haine autour d’elle et les échos de cette lecture en seront pour la gargote…

« Za ! Finot ! En route, partons vite… »

A la parfin, Thrasamund m'a retenu. Il m'a offert le souper avant que je ne m"en aille et ce fut moment amical.

Je quitte Autun le coeur moins meurtri et leur souhaite à tous du bonheur...