Bourgogne, gargote. Consultation d'Astérius

La roulotte est sereine. Zivapa s'est installée pour la journée à l'orée du bois du domaine d'Arnay. Elle a cueilli du muguet et de la chélidoine. Au calme, profitant du soleil, elle herborise. La chélidoine est plante à grandes ressources... Le chat Nimbus est à ses côtés, sur les coussins installés à même le sol autour d'une table basse. Des pas se font entendre, dont l'un aidé d'une canne. Une voix grave, une autre plus claire, parfois un rire argentin. Zivapa va avoir de la visite. La Bohémienne relève la tête, attentive... Cette voix, c'est celle d'Armoria, sans nulle doute... Mais l'autre ... ? Elle se dirige vers les trois marches qui donnent l'entrant à la roulotte.

« Nous y sommes presque, Asterius... Vous vous sentez bien ? »

Zivapa voit approcher Armoria, accompagnée d'un homme qui se tient contre elle et s'appuie sur une canne. Armoria fait à Zivapa un signe de la main pour la saluer. Le Duc de Merceuil, emmitouflé dans son mantel pourpre et son foulard, arriva jusqu'à la roulotte, entraîné par Armoria. Se faire lire l'avenir ? Quelle idée particulière... Asterius secouait la tête... Il craignait tout ce qu'il ne s'expliquait pas. Voyant Armoria faire un signe de main, il salua à son tour de la tête la bohémienne.

« La bienvenue... Armoria... Messire... »

Asterius étouffe sa toux dans sa main.

« Asterius de Mervans, pour vous servir. Je vous présente mes hommages ma dame ! »

Armoria voit le chat accourir et rit doucement avant de le prendre dans ses bras.

« Celui-ci est plus prompt encore à accueillir vos visiteurs que ne le serait votre meilleur valet, Zivapa.
- Certes, Ma Dame... mais entrez, je pense qu'il y aura assez de coussins pour tous. Nimbus raffole de vous... »

En disant cela, elle remarque que déjà, tout en se laissant câliner par Armoria, le chat a fixé son regard vert sur Astérius et ne le quitte point des yeux.

« Messire Asterius... Soyez le bienvenu et installons-nous... Vous serez mieux à l'intérieur.
- Oh... Je ne sais si... »

Armoria regarde Asterius, interrogative tandis que Zivapa arque ses sourcils, également fort interrogative... Asterius regarda Armoria un instant, se demandant s'il devait reprendre la bohémienne sur son titre. Il hésita. Ne voyant aucune réaction, il ne dit mot. Puis, sur l'interrogation d'Armoria, il sourit.

« Comme il vous sied, Duchesse. Vous ne me dérangez point... et à vrai dire, me mettez même à l'aise... »

Il remarque que le chat ne le quittait pas des yeux et se sentit encore un peu moins à son aise... On lui avait tant raconté d'histoire au sujet de ces chats...

« Alors ce qui est dit sera, gadjo ! Armoria, Messire ... »

Et la Bohémienne sans façons s'installe sur les coussins. Armoria sourit, le voyant moins sûr de lui qu'à l'accoutumée, monte les trois marches et entre sans façon, le chat contre l'épaule. Zivapa pourtant se relève et met de l'eau à chauffer dans un petit brasero d'intérieur. Elle prend dans un pot quelques herbes et prépare un chao pour l'homme pendant qu'il monte les marches et s'installe. Elle sourit de son hésitation... Asterius monte en dernier, suivant Armoria, et regardant ce chat l'observer... lui fait un petit signe, grimace et se demande s'il a perdu la boule.

« Je vois que vous observez le chat à l'envi... Vous faites bien. C'est un excellent ami à moi... En fait, il vous surveille, Messire. Je crains fort qu'il n'apprécie point tant les gadjé. Sauf Dame Armoria... »

Et elle sourit. Armoria rit doucement.

« J'ai un atout de taille, il faut dire... »

Elle s'installe avec nonchalance sur un coussin et pose le chat sur ses cuisses.

« Ce chat... me surveille ? »

Il déglutit avec peine.

« Qu'est ce qu'un... gadgé ? »

Demande-t-il, inquiet. Zivapa rit.

« Dans le monde des Roms, il y a deux sortes de personnes : les Roms... Et les gadjé, ou non-Roms, si vous préférez. »

Lui répond la duchesse. Asterius s'installe, mal à son aise.

« Excusez moi, madame... Je n'ai point l'habitude de ces... euh... genre de services... ?
- Je le cuide, Messire, je le cuide... Prenez ce chao à la pulmonaire, il vous soulagera... J'en bois moi-même pour prévenir la maladie. »

Zivapa sert les trois bols et s'installe. Sur la table basse, un coffret en bois de rose renferme les cartes. La Bohémienne s'en saisit et les pose près d'elle. Asterius regarde Armoria, incrédule.

« Ah oui... Les Roms...? »

Il prend la potion que lui tend Zivapa et regarde Armoria

« Les Enfants du Vent, Messire... Ceux qui ne possèdent pas, ni hommes, ni femmes, ni biens... Pour vous, je ne puis être qu'une chimère, si cela vous rassure... »

Armoria le rassure d'un regard tendre.

« Avez-vous songé à la question que vous souhaiteriez poser aux Tarots, Messire ? »

Asterius acquiesce, et s'installe un peu plus confortablement.

« J'ai appris à croire... »

Il jette un regard à Armoria.

« … que ces choses ne sont pas que chimères... et puisque c'est Armoria qui me mène à vous... Je vous accorde ma confiance... ainsi que... ma crainte... »

Il regarde Zivapa tandis qu’Armoria sourit à ces mots.

« Oui, je pense que j'ai une question à poser...
- N'ayez crainte, Messire... Je vous écoute.
- C'est que... je pense depuis fort longtemps... avoir une sombre destinée... destructrice, je dirais même... Je suppose que vous croyez au destin ? Et... comment dire... »

Il rit, fataliste.

« Il n'est pas bon de se lier d'amitié ou d'amour avec moi... je finis toujours par être un poison pour mes proches, je détruis ce qu'ils construisent malgré moi, vole leurs bonheur, leur apporte des rêves qu'ils pleureront de ne jamais pouvoir vivre... je sème des graines de désillusion, faisant éclater les familles et pleurer ceux et celles qui se lient d'amour pour moi... Alors ma question... Suis-je un ange noir, madame ? Est-ce réellement ma destinée...? Cela m'importe beaucoup car... il ne reste qu'une chose que je n'ai pas détruite... et bien plus que ma maladie, cela me tuera si je l'abîme encore... »

Zivapa écoute, attentive. Déjà elle se porte en concentration. Elle reçoit cette souffrance, ces peurs, ces doutes... Armoria ne dit mot, mais le regarde plus intensément, et finit par prendre sa main dans la sienne pour la presser avec chaleur et tendresse.

« Mmm... Peut-on dire, Messire, que vous cherchez à comprendre qui vous êtes, ou bien vous désirez mieux appréhender votre chemin de vie ... ? Ce que pourront vous dire les Tarots, c'est vos forces et vos faiblesses sur votre personnalité, l'évolution de votre vie...
- Oui... le chemin de ma vie... son sens peut-être...
- Le chemin d'une vie... Bien... »

Zivapa prend les cartes dans ses mains et les mélange en se concentrant sur cette question. Asterius se sent un peu gêné de ces questions...

« Vous allez couper le jeu, Messire.
- Entendu... »

Il coupe le jeu d'une main tremblante, et le laisse échapper, étalant toutes les cartes sur la table... écarquille les yeux…

« Oh non! C'est un présage! »

Zivapa sourit.

« Présage que vous voilà bien affaibli par la maladie, gadjo... Ce n'est point là présage...
- Un présage ou une constatation. »

Ajoute Armoria qui rit doucement. Zivapa reprend sereinement le jeu et le mélange à nouveau, se concentrant sur la question.

« Je... je suis désolé... »

Asterius regarde le chat, inquiet

« Coupez-le à nouveau, Messire... »

Asterius s'applique et coupe délicatement le jeu à la deuxième carte à main gauche. Armoria prodigue sereinement au chat de savantes caresses puis se penche sur son oreille pour murmurer :

« Tu inquiètes mon ami, Nimbus... ferme donc tes beaux yeux d'émeraude. »

Zivapa chuchote à Armoria en attendant :

« N'oubliez pas la friction au vinaigre de cidre... il en a besoin... »

Armoria hoche la tête aux paroles de Zivapa et répond du même ton.

« J'ai commencé dès hier. »

Zivapa reprend le jeu coupé et étale les cartes sur la table. Asterius respire profondément, puis se met à tousser.

« Pour la première carte, concentrez-vous sur vous-même, votre personnalité, ici et maintenant, au regard de votre question et montrez-moi une carte. »

Zivapa prend sur la petite étagère à ses côtés un pot de miel et le tend en souriant à Asterius. Il baisse la tête, pense à lui même, à son charisme, à ses angoisses, à sa fierté, son honneur mais aussi ses faiblesses... Il montre à la Bohémienne la 17e carte à main droite.

« Sur le nez ? »

Dit-elle malicieuse, puis se reprend, gênée d'avoir interrompu la consultation.

« Ores vous allez me montrer trois cartes et chacune nous parlera d'un domaine de votre chemin de vie... »

Asterius relève la tête et regarde Armoria, étonné, puis prend le pot de miel sur un remerciement de tête, en se répétant plusieurs fois de ne pas en laisser tomber sur les cartes Asterius chassa cette phrase que Kaarava lui avait dite et qui encore le hantait - Vous finirez seul, Asterius - ... afin de se concentrer sur les trois cartes à choisir... il les pointa du doigt une à une : la 5e à main gauche, la 7e à main droite et la 13e à main droite. Zivapa prend les cartes choisies par Astérius et les pose face cachée contre table, en forme de croix. Armoria serre plus fort la main d'Asterius.

« Voilà comment je procède, Messire : je vais les lire l'une après l'autre et parfois les associer... Bien sûr, vous pouvez intervenir à tout moment... Vous êtes prêt ? »

Asterius lance un regard à Armoria, lui sourit légèrement et inspire profondément pour calmer la montée d'adrénaline qui secouait son cœur.

« Oui, je suis prêt ... »

Zivapa retourne la première lame, l'annonce et se concentre avant d'en donner lecture.

« C'est le 20e arcane, le Jugement. »



« Le Jugement, souvent associé au réveil des morts ou à la Résurrection, est le vingtième arcane du Tarot. Un ange auréolé sonne de la trompette dirigée vers la terre. Au bas de la lame, un homme et une femme sont face à un enfant. »

Asterius sursaute.

« L'ancien juge jugé par la main de Dieu ? »
- C'est un symbole de renouveau. Cet arcane me dit qu'ici et maintenant, vous êtes en souhait de ce renouveau dans votre vie, en attente de voir une situation difficile et bloquée se dénouer. »

Zivapa redresse la tête.

« Les lectures ne sont point si simples... »

Asterius se mord la lèvre supérieure.

« Pardonnez-moi...
- Mais on peut, si fait, faire le parallèle : un jugement met fin à une situation conflictuelle... Ne vous excusez point... n'hésitez pas à m'interrompre. »

Asterius mit un doigt couvert de miel en bouche, en se disant que cela l'empêcherait un certain temps de dire des bêtises.

« Cette situation conflictuelle, Messire, elle est en vous-même et il s'agit là de votre propre jugement sur vous...
- Je... je ne comprends pas...
- Cet arcane indique que vous devrez passer par ce renouveau pour pouvoir avancer, quitte à devoir expier, pardonner ou éprouver du repentir... »

Zivapa regarde l'homme dans les yeux..

« Etes-vous en harmonie avec vous-même, Messire ?
- C'est que... J'ai à chaque fois essayé de changer, faire pénitence, me confesser... »

Zivapa sourit.

« Les Tarots ne connaissent point Aristote et ses façons... Il s'agit de vous, de votre façon de voir le monde, d'agir, de vos choix... »

Asterius regarde Zivapa dans les yeux.

« Si l'on peut avoir peur de son avenir, de la proximité de la mort et être en harmonie avec soi-même... »

Il incline la tête quand Zivapa lui rend son regard.

« Je n'ai point peur de la Mort, ce n'est qu'un grand renouveau aussi... »

Asterius se parle comme à lui-même.

« Je puis être si fort... et trembler si fortement...
- Les Tarots vous soufflent cela au creux de l'oreille, Messire, à vous d'en faire ce que vous souhaitez.
- Faire ce que je souhaite...? Sans en craindre les conséquences ?
- Vous êtes un homme, gadjo : toutes les signatures en bas de parchemins n'y pourront rien changer. Le Jugement vous incite à faire des choix, à savoir ce que vous voulez... vous... vraiment… »

Armoria écoute sans mot dire, soucieuse de n'influencer en rien, malgré, parfois, une forte envie de mettre son grain de sel.

« La deuxième lame va nous parler du domaine de l'amitié et de votre entourage sur votre chemin de vie. »

Asterius tourne son regard vers Armoria, sert sa main et répond.

« Je sais ce que veux... ça n'a jamais été en doute... »

Zivapa retourne la lame, l'annonce et se concentre. Armoria rend son regard à l’homme avec intensité, partage cette étreinte de leurs mains. La Bohémienne relève la tête et dit à Astérius :

« Parfois il faut un peu de temps pour comprendre le message des Tarots… Voyons donc la suivante... C'est le 9e arcane, l'Hermite.



« Neuvième lame du tarot, un homme d'âge respectable est dans l'obscurité. Tenant de la main gauche un bâton qui lui sert de canne et élevant de la main droite une lanterne éclairée, l'Hermite est synonyme de recueillement, d'illumination intérieure. En un mot, cette carte signifie la recherche de soi. Par son attitude humble, il fait penser à une personne tranquille, retirée, absorbée par sa réflexion et sa méditation. La lanterne de l'Hermite vous montre ce que vous savez ou ce qui c'est déjà passé. »

« L'Hermite ! »

Armoria sursaute légèrement malgré elle. Lui se fait la remarque de ne pas toujours tenter d'interpréter les cartes à la place de Zivapa.

« Ce qui... signifie...? »

Zivapa partage un regard avec Armoria...

« L'Hermite... Symbole de la sagesse... mais aussi... de la solitude...
- La solitude...
- Il me dit que vous allez peut-être vous éloigner de la quête des biens matériels, des honneurs... que cela réduira votre cercle d'amis...
- La maladie m'a retiré du cercle politique...
- Et dans cette solitude naîtra une amitié amoureuse basée sur la spiritualité, une entente des âmes plutôt que des... corps... »

Zivapa acquiesce.

« Cela peut se lire ainsi, si fait.
- Une amitié amoureuse...?
- C'est peut-être pour vous l'occasion de réfléchir comme vous y incite le Jugement. »

Armoria songe avec force à ce parallèle entre sa consultation et celle d'Asterius.

« Oui... de celles que l'on croit être de l'amour et qui n'est que l'union de deux âmes... Une harmonie spirituelle...
- Une entente des âmes plutôt que des corps... »

Il hésite...

« Cela supprimerait-il... une entente avec une ancienne... maîtresse... ?
- Nenni... Une fois les corps apaisés, les esprits peuvent s'offrir... Ce sont souvent les désirs... »

Elle toussote.

« ... charnels qui empêchent la communion des âmes. »

Asterius reste songeur.

« Cela voudrait-il dire que cet amour serait... platonique...?
- Je suis rassurée de ne point lire ici quelqu'une de vos craintes... Platonique ? Oui, il faut l'entendre ainsi... Mais n'oubliez point, les Tarots vous mettent en éveil, vous incitent à être attentif, mais c'est vous qui forgez votre vie. »

Asterius fronce les sourcils. Armoria regarde les cartes, songeuse et perplexe, tout comme devant son propre tirage.

« Ce serait une sorte de ... punition ? »

Zivapa écarquille les yeux...

« Une punition ? Pourquoi cela ? Vous auriez des raisons de le vivre ainsi ? »

Armoria ne peut s'empêcher de rire doucement.

« Messire Astérius, seul vous détenez les clés réelles de cette lecture... »

Armoria met vivement une main devant sa bouche et s'empourpre.

« Je ne suis que la messagère, il vous faut en effet transposer tout cela dans votre propre vie.
- Je... hem... »

Il pinça les lèvres.

« Choisir, s'engager dans une relation amoureuse platonique...
- Il se peut que vous n'ayez point à choisir mais qu'elle advienne, sans pour autant empêcher de vivre tout autre amour... »

Asterius regarde Armoria, ne sachant que penser de tout cela Zivapa observe les regards.

« De vivre d'autres amours ! »

Il manque de s'étrangler.

« Il se peut que parfois on veuille faire coller une personne à une situation et que l'on se trompe.... »

Asterius secoue la tête et Armoria tressaille.

« J'ai assez joué sur ces tableaux, ils n'apportent rien de bon!
- Cette rencontre dont vous parlent les tarots, cette union des esprits avec une femme, nul ne sait si vous la connaissez déjà... Elle se trouve sur votre chemin, c'est tout... tout comme cette solitude... Cet isolement...
- Il y a une phrase... qu'un jour une femme m'a dite...
- Cela peut-il parler du passé ? »

Armoria se mord les lèvres.

« Oh… Pardon...
- Je ne pense pas qu'il s'agisse du passé. »

Armoria s'applique à ne plus parler.

« Elle m'a dit que je finirai ma vie seul... »

Zivapa hoche la tête.

« Je n'en ai point avis... Si vous craignez cela, écoutez le Jugement... »

Zivapa retourne la 3e lame, l'annonce et se concentre.

« C'est le 10e arcane, la Roue de la Fortune... »



« Le dixième arcane du Tarot nous montre une roue accompagnée de quatre visages de femme : une blonde, une brune, une rousse, une châtain. On devine parmi ces têtes accrochées autour de la roue, un mouvement rotatif, dans lequel tous événements, expériences, occasions et possibilités futures s'élèvent et retombent, sous la forme de dualités, comme la naissance et la mort, le bien et le mal, l'abondance et la pauvreté, l'espérance et le désespoir. »

Asterius acquiesce et laisse échapper.

« Au diable la fortune! »

Armoria sourit. Asterius écarquille les yeux, et ajoute, penaud :

« Oups, pardonnez-moi. »

Zivapa sourit.

« Ce n'est point de pécunes dont parle cet arcane... C'est encore un symbole de changement, Messire. Il semble aussi que dans vos affaires, vous soyez amené à rencontrer de multiples opportunités. Vous les prendrez... ou pas… »

Asterius regarde Zivapa, peu convaincu.

« Mais lié à l'Hermite, la Roue de la Fortune indique l'arrivée d'un évènement inattendu...
- Ah? »

Zivapa acquiesce.

« Oui. De sa nature, je ne sais mie... Mais si l'on comprend cet arcane comme celui de la transformation... »

Asterius chuchote.

« Point de mort, point de destruction... Et point de sexe... Quelle transformation, j'avoue... Cela est lié et me semble fort logique...
- Il se pourrait qu'un jour, si je suis le cheminement de ces cartes, vous soyez un homme différent... en tous points...
- Renaître en quelque sorte ? »

Zivapa rougit, peu habituée à la crudité des mots de l'homme. Chez les Roms, on ne parle pas avec ces mots-là, c'est marhimé, impur.

« Oui da... C'est un tirage qui peut vous sembler bien morne à ce jour... Mais il est porteur d'espoir… L'Hermite ne dit pas que vous serez à jamais isolé mais parle d'une période de solitude et d'isolement.

L’homme tressaille.

« Concevez-vous que ce puisse être... »

Il tousse légèrement.

- ...une réincarnation post-mortem?
- Pardon ? »

Asterius sourit.

« Je veux dire... mourir... dans sa chair... pour revenir un autre jour, sous une autre forme... mourir et renaître... sous un être différent…»

Armoria le regarde, saisie.

"Vous y voyez cela ?
- Un peu comme Christos en quelque sorte...
- Moi j'y vois l'espoir de votre guérison. Si vous êtes amené à vivre une vie faite d'opportunités sur le plan des affaires, il faut bien que vous soyez en vie. D'autres arcanes auraient pu dire le contraire, ce qui n'est pas le cas. Ores regardons la prochaine lame qui va nous parler de vos amours, Messire. »

Zivapa retourne la lame, l'annonce et se concentre.

« C'est le 8e arcane, la Justice. »



« Le huitième arcane du tarot ouvre sur la froideur d'une femme représentant la Justice, gardienne de la vérité. Ce personnage féminin semble tenir facilement ce glaive lourd qu'elle tient de sa main, parce qu'il est soutenu par tout ce qui est bon et juste. La balance à son centre est l'attribut traditionnel de la Justice. »

« La Justice ! Le Jugement... L'Hermite... Hmmm... »

Zivapa sourit, radieuse.

« Mais la Justice dans le domaine de l'amour, Messire, indique qu'on officialise une relation... Cet arcane nous parle de mariage... La Justice évoque une relation honnête et équilibrée, qui arrive souvent après une période de troubles... Cette période de troubles, je la vois avec l'Hermite... »

Asterius regarde devant lui et chuchote.

« Un mariage...
- Voilà qui est plutôt plaisant... Enfin… Si vous avez le désir de vous marier... Vous auriez pu choisir l'Hermite à cette place, comprenez-vous ?
- Auquel cas j'aurais bien fini seul... ?
- Dans ce cas, il m'aurait fallu vous dire que votre chemin de coeur s'apprêtait à être tout à fait solitaire... Voilà... »

Asterius sourit doucement, puis soupire.

« Ce sera un mariage solide alors...
- Les Tarots semblent croire en vous, Messire, en votre force à saisir les opportunités, à réfléchir et à évoluer...
- Un mariage basé sur une alliance des âmes... suivant une longue période de réflexion...
- Oui... l'équilibre de la Justice le caractérisera. Ce qui n'empêche point les... plaisirs charnels dont vous parliez tout à l'heure... »

Zivapa porte son petit doigt à son oreille instinctivement comme à chaque fois qu'elle a des pensées ou des mots marhimé, impurs. Armoria est restée songeuse depuis un moment, mais réagit quand ils parlent de mariage.

« Je vais maintenant calculer votre arcane caché qui va nous aider à conclure. »

Asterius regarde furtivement Armoria. Zivapa calcule, sourcils froncés... Elle a horreur de ça...

« Alors… 20 + 9 + 10 + 8 qui font... 47 ... ? Oui ! »

Armoria coule un long regard vers Asterius, troublée que leurs tirages soient si semblables.

« Et 47 qui font ... 11 !
- La Force ? »

Zivapa recompte, un peu déstabilisée. Armoria pose une main sur sa bouche.

« Si fait, le 11e arcane, la Force... »



« La onzième lame du tarot représente une femme tenant ouverte des deux mains, la gueule d'un lion. Elle incarne l'humanité triomphant de la bestialité et de la matière inerte, l'intelligence l'emportant sur la stupidité. »

Asterius regarde Armoria sans bien comprendre.

« Et... C'est bien...?
- Oui da... C’est un arcane très positif. C'est le bout de votre chemin si vous suivez les conseils du Tarot... »

Asterius réalise qu'elle parle comme Armoria Celle-ci lui sourit et dit :

« De vieux souvenirs qui me reviennent...
- C'est le symbole de la vitalité et de la victoire. »

Armoria s'exclame, radieuse.

« Vous allez guérir !
- D'accord... je comprends...
- C'est la marque qu'en vous réside une grande énergie... qui ne demande qu'à s'exprimer... Je le cuide... »

Asterius sourit en voyant Armoria s'enjouer.

« Point de symboles de mort en tout ceci.
- Oh, Asterius ! Je vous l'avais dit ! »

Elle le prend dans ses bras, folle de joie et de soulagement. Zivapa sourit tout naturellement. Asterius rit, un peu gêné.

« Ce sera grâce à vous, Armoria...
- Mais... N'oubliez pas le message des Tarots : réfléchissez fort à qui vous êtes, à ce que vous désirez vraiment : c'est cela qui vous apportera cette force, Messire, cette victoire et qui couronnera votre vie. Regardez le monde alentour différemment... »

Asterius regarde Zivapa et lui dit :

« Merci beaucoup pour cette consultation madame. Tout n'est pas exactement à mon goût. »

Il sourit.

« Mais si vous dites vrai, alors je trouverai cette félicité qui m'a toujours échappée... Voir le monde... différemment... Oui, c'est cela la clé...
- C'est vous qui êtes maître de votre vie, gadjo... Je vous remercie de votre confiance, Messire... Et prenez bien vos remèdes, surtout la pulmonaire... plusieurs fois par jour... »

Asterius la regarde, comprenant seulement d'où venaient les remèdes qu'Armoria lui administraient.

« Et refusez avec force les saignées, cela vous épuiserait mais les médicastres en sont raffolés... »

Armoria le regarde d'un petit air victorieux.

« C'est bien pour cette raison que j'ai insisté pour qu'il demeure à Arnay...
- Je n'en attendais pas moins de vous, Armoria, il est ainsi entre de bonnes mains. »

Zivapa & Armoria se sourient en connivence.

« Je... Avec votre permission... gagez que je reviendrais vous voir... Non pour une consultation, mais... pour vous remercier à la hauteur de ce que vous m'avez apporté... Un peu d'espoir... ... et de vie... »

Zivapa sourit à l'homme. Armoria se lève, dépose délicatement le chat sur son coussin. Zivapa chuchote à Armoria :

« Il faudra que l'on cause de ces similitudes... »

Puis à voix haute.

« Je vous laisse raccompagner Messire, et j'espère vous revoir bientôt. »

Armoria rit doucement et répond sur le même ton

« En effet. »
- A bientôt, je m'en vais à la reposée...
- La bonne fin de journée, Zivapa, et merci. »

Armoria sort, attendant Asterius pour qu'il lui donne le bras afin de rentrer à Arnay. Zivapa les regarde tout deux partir, songeuse, referme la porte et va s'ococouler dans son alcôve.